Des jeunes un peu paumés en quête d'identité se laissent séduire par une forme de folklore.
Dans son rapport, la Miviludes s'attarde sur un phénomène sectaire nouveau par l'importance de sa diffusion : le satanisme en relation avec les mouvements d'extrême droite. A l'image des récentes profanations de cimetières qui se sont échelonnées sur les six derniers mois. Certaines profanations ont comporté, en effet, des symboles à la fois nazis et satanistes.
Idéologie. Le mouvement sataniste actuel trouve, en tout cas, son origine dans «l'Eglise de Satan» fondée le 30 avril (jour de la mort d'Hitler) 1966, par Anton LaVey, appelé le Pape noir et auteur de la Bible satanique. Intervient une scission en 1995, lorsque Michael Aquino crée une structure concurrente, le Temple de Seth. Tous les deux s'inspirent néanmoins d'Aleister Crowley qui développa au début du XXe siècle certains rites sanglants.
Derrière le folklore apparent du satanisme (messes noires, symboles, croix renversées...) se cache une idéologie qui peut être dangereuse quand elle se politise. Pour Jean-Yves Camus, politologue, «la violence du message antichrétien ne peut pas ne pas déboucher sur un certain totalitarisme». Paul Ariès, qui vient de publier Satanisme et vampirisme, le livre noir (1) un voyage de plusieurs années dans les milieux satanistes , explique que les idées satanistes apparaissent comme un véritable vivier pour l'extrême droite. Ainsi la «Constitution 35» ou le «révisionnisme pentagonal» sont de vrais programmes politiques et prônent une inégalité naturelle entre les hommes. A titre d'exemple, Ariès cite l'Ordre des 9 angles qui organisent des messes noires avec, sur l'autel, l'ouvrage Mein Kampf, écrit par Hitler.
La religion est utilisée par les groupuscules d'extrême droite pour masquer leurs idées. «Un jeune ne peut se dire néonazi mais il est bien vu de se dire sataniste.» Selon Paul Ariès, il existe deux profils types de satanistes parmi les jeunes qu'il faut distinguer des gothiques, même si le gothisme (2) est une porte d'entrée privilégiée vers le satanisme : il y a l'adepte de base, souvent un jeune paumé, sans prise sur sa vie ou celle des autres et qui trouve une «béquille identitaire» dans le satanisme en souffrant et faisant souffrir les autres. Plus minoritaire, on trouve aussi l'étudiant d'un certain niveau intellectuel, qui remet en question l'éducation qu'il a reçue et voit dans le satanisme un moyen de provocation.
En tout cas, pour Paul Ariès, il n'y a aucun doute : «Le développement du satanisme et son rapprochement avec l'extrême droite sont liés à la crise des valeurs.» Et de s'inquiéter de l'attitude des pouvoirs publics qui «pêchent dans leur approche du phénomène, car elles ne se donnent pas les moyens de le combattre».
Les dérives vers des mouvements néonazis sont possibles. La Miviludes dénonce l'accès facile par l'Internet aux sites satanistes, puis par divers liens vers des sites néonazis. «Les groupuscules d'extrême droite exploitent le goût de certains jeunes pour les références nordiques, viriles, pour les attirer dans une mouvance politique d'extrême droite», note la Miviludes.
Enfin, la musique est un moyen d'accès privilégié. Au-delà du très populaire Marylin Manson, ancien membre de l'Eglise de Satan, le vrai danger, selon la Miviludes, semble résider dans le «Black Metal» scandinave où la musique est utilisée pour professer de véritables idées néonazies, comme on l'entend dans les groupes Enduras, Allerseelen, Scivias, ou Blood Axis.
(1) Editions Golias.
(2) Le gothisme est au départ une culture tournée vers le romantisme sombre.