LE FIGARO. - En quoi la musique «néo-gothique» vous paraît-elle plus dangereuse que d'autres mouvements musicaux, considérés en leur temps comme très provocateurs ?
Abbé Benoît DOMERGUE. - Dans les années 60 et 70, il y avait certes beaucoup de provocation, voire quelques messages subliminaux. Mais cela n'allait guère plus loin. Aujourd'hui, les groupes de musique «heavy metal» utilisent non seulement les décibels, mais aussi les images virtuelles ou le laser pour aboutir à une mise en condition psychologique du public très «performante». En janvier dernier, le chanteur américain Marilyn Manson a réuni près de 10 000 personnes au Zénith. Il prône un antichristianisme avéré, singeant le Pape, affichant un Christ dépecé sur son album et un poster d'un enfant Jésus sans peau sur scène.
Quel public ces groupes attirent-ils ?
Principalement la tranche des 15-20 ans. En France, des milliers de jeunes écoutent cette musique très internationale, prisée aux États-Unis comme au Japon ou au Brésil. Dans les concerts, on rencontre des lycéens, des étudiants, comme des apprentis. C'est principalement une musique de «Blanc» qui ne trouve pas d'écho dans les banlieues, beaucoup plus tournées vers le rap. Encore confidentielle dans les années 80, elle a explosé dans la dernière décennie. Outre les disques, qui se vendent très bien, on trouve des manuels de messes noires, des bandes dessinées, des vidéo-clips, des fanzines. C'est toute une «culture» et un business qui se développent.
Peut-on rattacher cette musique à un courant politique ?
D'un côté, il existe des liens avec les mouvements néo-nazis. De l'autre, avec un courant syncrétique relevant du néo-satanisme.
N'y a-t-il pas une ambiguïté à parler de musique «satanique», à faire ainsi allusion à une possession démoniaque ?
Dans la majorité des cas, il ne s'agit que d'un conditionnement, d'un envoûtement collectif. A rapprocher de tentations morbides, d'obsessions plutôt que de «possession». Cependant, parmi ces groupes, certains appartiennent à des églises sataniques officielles, comme la San Francisco Satanic Church. En France, ces liens sont plus officieux : à la sortie de concerts, des petits groupes lucifériens ou satanistes distribuent des tracts, font du prosélytisme. Parmi ces quelques centaines de «purs et durs», le but est bien de faire des émules, de manipuler des jeunes influençables, d'induire des comportements aberrants.
Y a-t-il une corrélation entre cette mode musicale et la récente augmentation des profanations de cimetières ?
Selon des sources officielles, la moitié des actes de vandalisme ou de profanation sont liés à cette mode. Le passage à l'acte est fréquent. On retrouve des tombes ouvertes, des crucifix cassés. Cela n'atteint évidemment pas la gravité de l'affaire jugée à Colmar où un curé a été assassiné.
(Le Figaro) ajouté le 7/04/2001